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Les dernières vendanges de Merle ; Le Périgord des peintres

En 2010 les éditions Fanlac publiaient presque concomitamment 2 livres remarquables. Le premier ,dû au talent de William S Merwin dont 2 précédents ouvrages, La Renarde et Les fleurs de mai de Ventadour (The last Troubador) traduits de l'américain par Luc de Goustine figurent également au catalogue de la maison périgourdine, s'intitule Les dernières vendanges de Merle. Il s'agit, au gré d'un récit inspiré à l'auteur par un très long séjour en terre quercynoise, de suivre les pas  d'un hôtelier marchand de vins dans ses ultimes tournées sur le Causse. Sa lecture est un enchantement à chaque page renouvelé tant la fluidité du style épuré, la subtile harmonie des lieux dépeints en mots aquarellés et la vérité psychologique des personnages permettent d'assister « À travers les hommes et les paysages (…) au dernier inventaire d'une civilisation rurale, dressé non sans tendresse»

On est loin ici de la littérature régionaliste , engluée dans l'histoire locale et l'ethnographie réifiée, sauce « École de Brive ». Si le narrateur sait à merveille évoquer «  le calcaire dont tous les bâtiments (tapissés) de lichens rouillés(…) étaient faits    et  (d'où )même par temps  gris  émanait … une luminescence de fin d'après-midi d'été … » c'est pour, avec une égale maîtrise,  peindre d'un pinceau caressant  les portraits magnanimes et attachants de toute une théorie de personnages parmi lesquels ce curé que Merle, le bon samaritain du causse, se refuse à appeler « mon père » … et rendre compte de la fuite chaotique et incertaine du temps « Merle fut surpris de voir qu'il n'était pas plus tard que ça quand il quitta Florème pour descendre vers la rivière, dépassant la vieille bergerie à moitié enterrée dans la colline, toujours placardée d'affiches annonçant quelque cirque venu généralement voilà des mois et dont il n'avait jamais entendu parler. Chaque fois qu'il passait les dates sur les lambeaux détachés de papier de couleurs vives éveillaient en lui comme un flottement, une soudaine absence de référence, et tandis qu'il prenait le virage suivant, il ne se souvenait plus en quelle année on était, ni où il se rendait. Ce moment récurrent n'avait rien de désagréable mais procurait une impression semblable à celle d'un cerf-volant dont la ficelle échappe à votre prise. »

Ramuz,Pergaud, Vercel, Simenon... pour ne citer que ceux-là, ne sont pas loin

Ch.C le 2/3/2011

Le Périgord des Peintres 

Avec  Le Périgord des Peintres Bernard et Marie-Françoise Tardien, qui ont repris les rênes  des éditions Fanlac, proposent un de ces ouvrages magistraux que l'on dit de référence. Pourrait-il d'ailleurs en être autrement en l'occurrence  puisque, si étonnant que cela soit,  le livre que Jean-Michel Linfort dédie aux artistes ayant consacré tout ou partie de leur œuvre à la Dordogne est le premier du genre même si Jean Secret, Marcel Fournier et Pierre Fanlac en avaient rêvé, dès 1983  . Cet avantage ne minore en rien l'exceptionnel travail de l'auteur et des éditeurs : l'ouvrage, un superbe in quarto carré de prés de 300 pages a tout pour séduire le bibliophile exigeant avec son iconographie éblouissante épaulant un texte érudit nourri de connaissances quasi encyclopédiques qui déroge parfois au conformisme ambiant !

Il sera difficile à tout autre prétendant de marcher sur les brisées de Linfort car, avec ce coup d'essai, celui-ci réalise véritablement un coup de maître!

Le Périgord des peintres inaugure une savante exposition virtuelle où s'affichent les "images sublimées" de l'âme d'un terroir occitan, âpre presque toujours, les sombres, vigoureuses et tourmentées xylographies de Louis-Joseph Soulas en témoignent,  mais quelquefois chaleureux comme l'attestent les toiles lumineuses de Jean-Georges Pasquet.

La plupart des 180 peintres, dessinateurs, illustrateurs...figurant à l'index du catalogue (1) a subi l'envoûtement  géomacien de cette province sans savoir que les galeries profondes d'une de ses cavernes secrètes, celle de la colline de Lascaux, abritaient le plus éblouissant legs artistique de l'humanité !

Le seul bémol à apporter à ce concert de louanges concerne le style de l'auteur qui verse souvent dans l'emphase alors que le traitement du sujet aurait certainement gagné à une moindre grandiloquence.

Beaucoup, peu habitués au procédé, en auront été troublés... Que ceux-là lui pardonnent ses flamboyantes et lyriques envolées culturelles poétiques... Il fallait sûrement une bonne dose de passion pour venir à bout d'un tel projet éditorial marqué, cela va de soi, au fer rouge d'une "flamme" métaphorique !

On peut regretter également l'absence étonnante, mais sans doute délibérée, d'une bibliographie étoffée que, pourtant, l'ouvrage exigeait !

 Ch.C le 2/3/2011

 (1) Les meilleurs (Soulas, Albe, Merlaud, Lunaud, Dessales-Quentin...) y côtoient les pires comme ce Vincent Corpet dont les indigents bovidés "picassoniens" peuvent traumatiser les êtres sensibles  

Jean-Michel Linfort : Le Périgord des peintres Fanlac 2010 39€



16/11/2011
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