Le poète et le marchand de biens
Le poète et le marchand de biens
Sous le titre « Noix de Galle » Alain-Gérard Choury publiait en 1982 une œuvre qualifiée par l'auteur lui-même de « Romancero Kaléidoscope » . Ce recueil de poésies, d'une diffusion toute confidentielle, n'était pas sans qualité ; l'académicien Goncourt Jean Cayrol, dans une courte post-face, incitait le lecteur à glaner ces « Noix de Galle qui éclatent comme le soleil » et à en savourer « le feu vert (qui) est déjà dans le fruit »
Né en Périgord en 1930 Choury a aventuré son existence sous bien d'autres cieux ;mais, fidèle à ses racines, il a conservé une tendresse critique pour ce pays âpre et ingrat. Sans doute, aujourd'hui, son nom pourrait-il figurer en bonne place dans l'ours du « périgourdin » Ses révoltes et ses regrets ont précédé les nôtres et sa vision lucide, et acide parfois, du mal-être et du mal-vivre des gens d'ici lui a dicté quelques belles pages qui entrent en résonance avec nos propres perceptions, notre propre ressenti.
Ecrits il y a plus d'un quart de siècle les deux textes que nous avons choisi de présenter dans ce dernier (au sens de dernier en date bien entendu) numéro de votre magazine se coulent à la perfection dans sa thématique patrimoniale. Au point qu'on se prend à douter qu'ils n'aient été spécialement composés pour l'occasion !
Ch.C
Masure à vendre
Il existe de moins en moins de tas de pierres qui fassent rêver les frustrés de la ville et les plongent dans l'aventure du grand bricolage… à rallonges financières.
Si vous en dénichez, une de ces masures apparemment abandonnées, auscultez-la. Elle grommelle. Elle souffre d'impuissance à enrayer son délabrement. Elle a ses quintes de toux par grand vent. Et son humour grinçant, à retardement. Et vlan !
Comment te portes-tu
Camarde
dit la lucarne goguenarde
Ouvre les yeux
pocharde
dit la porte têtue
La paix / là-haut
fait le volet gauchi
Si je claque des dents
Il va t'arriver une tuile
De quoi te mêles-tu
tordu
réplique la porte à chatière
Si je sors de mes gonds…
Essaye donc
vicieuse
rétorque le marchand de biens
j'aurai moins de mal à t'ouvrir.
Alain-Gérard Choury
Symbiose
C'était un de ces paysages maison
Une de ces maisons paysage l'été
Et la maison avait bien le même âge
Que le plus hautes frondaisons diffuses
Une image inimaginable
Sans la maison de pierres jointoyées
A rognons de silex
Epousant l'environnement
Comme surgie à même la terre
Parmi les racines / la mousse / les fûts
Une de ces maisons toiture façonnée
Pour une nature complice
Un de ces paysages tramés
d'années en années modelés
par l'intimité saisonnière
Paysans-bâtisseurs
Architecture mimétique
Et cette haute tour quadrillée qui domine
Ma ville arthritique / difforme
Sur front de ciel fuyant
Alain- Gérard Choury
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