En sabots
De tous les auteurs de Dordogne, Jean Sauvestre est certainement l'un des moins connus ! Le copieux (955 pages) « Dictionnaire biographique du Périgord » de Guy Penaud se contente d'expédier en 2 lignes sa vie et son oeuvre « Sauvestre Jean (XXe s) Écrivain du terroir. Romancier, auteur en particulier, en 1947 de Lou Cardil. Vice-président de l'association des Croquants du Périgord »
La toile n'est guère plus riche en informations relatives à ses origines et à son existence mais on y apprend malgré tout, en se plongeant dans la lecture des catalogues en ligne des libraires d'ancien, que, de 1945 à 1968, cet émule de Léonce Bourliaguet, écrivain Thibérien prolifique, a publié au moins 13 ouvrages et sans doute davantage, destinés presque exclusivement à la jeunesse et tout particulièrement aux écoliers du primaire.(1)
Hormis sans doute « Lou Cardil la proie des hommes » qualifié de « roman Périgourdin » et sorti en 1947 des presses des éditions Occident et éventuellement « La femme du solitaire » paru auparavant aux éditions Ariane, livres dont nous ignorons la trame, les autres oeuvres de l'écrivain ont été diffusées presque exclusivement en milieu scolaire… ce qui explique, la plupart du temps, leur état défectueux annoncé par les confrères.
Notre librairie vient récemment d'acquérir, publié en 1947 par Les Nouvelles Presses Françaises , un petit in 8 carré spécimen d'une honorable fraîcheur titré par Sauvestre « En sabots ».
Pourvu d'un cartonnage éditeur illustré, ce livre de 253 pages, écrit en collaboration pédagogique avec G. Cercier (2), « est une peinture de la vie à la campagne. Le cadre se place (sic) dans une famille de braves gens qui ont recueilli un petit Parisien orphelin. Toute l'action, très simple et très vivante, gravite autour de cœurs honnêtes et bons. Le travail de chaque jour à la ferme est l'objet d'une lecture qui devient ainsi la présentation d'une tranche de la vie paysanne, pleine d'intérêt. » assure la préface destinée aux maîtres.
Le récit, presque du Pesquidoux pour les enfants, qui doit susciter l'adhésion des jeunes lecteurs ruraux et urbains, sans compter ceux des « colonies », a pour toile de fond une campagne idéalisée et « passe-partout » à laquelle le Périgord noir sert de modèle.
On est ici plongé dans les hameaux, champs, bois et prés d' « Aubas » en vallée de Vézère, localité qui possède « une gare à toit rouge, à murs blancs et à volets verts »
Montignac sert de toile de fond au marché et à la foire ; la rivière fait des siennes et sort de son lit , mais moins qu'en « 1910 où dans la maison du père Bousquet, l'eau touchait le plafond », le Claudion « un beau facteur… et honorable fonctionnaire …qui frise la cinquantaine » ne s'embarasse pas de manières et accepte volontiers de faire « chabrol… » c'est à dire d'avaler « une assiettée de vin… attiédie par un restant de bouillon »
Les petits héros partagent toutes les tâches des grands et au retour des beaux jours accompagnent ces derniers « jusqu'au lieu-dit « Le Chambon » où se trouve une jeune vigne bien exposée » sur la berge opposée de la Vézère.
Voilà maintenant que l'été bat son plein et que « le grand père Mathieu emmène ses enfants» se baigner dans « le fleuve de la préhistoire » comme le désigne, aujourd'hui, quelques publicitaires ringards régionaux-socialo-maçonniques !
Bon, comme vous allez m'acheter le bouquin, je vais pas tout vous dévoiler ! sachez cependant que « Sans sabots » n'est pas illustré « à la cloche de bois ». Celui qui tient le crayon c'est RayLambert… le talentueux Raymond Lambert, qui s'est aventuré hardiment sur les brisées de Benjamin Rabier et de Poulbot !
L'affection vouée au dessinateur Normand disparu en 1967 nous pousse à glaner tous les documents qu'il aura ensoleillé de ses compositions alertes et bienveillantes : longtemps il nous aura entretenu dans l'illusion d'une utopie sociale ordinaire bâtie d'un crayon léger et coloré.
Pour dire les choses clairement c'est sa signature qui nous a conduit à Jean Sauvestre dont, pas plus que Penaud, nous ne connaissions jusqu'alors la trajectoire littéraire.
Retour donc à l'auteur du texte qui, certainement fait, actuellement, du rocking-chair avec son copain Raymond, en attendant que passe…l'éternité !
Quel internaute pourra-t-il éclairer notre lanterne à son sujet ? Toutes les contributions, assumées sans pseudo ou alias, seront les bienvenues. Elles figureront dans de futures mises à jour À vos claviers !
Ch.C le 12/5/09
(1) Cette liste n'est probablement pas exhaustive. Par date de parution nous avons relevé en 1945 La grotte enchantée (couronné par l'Académie Française)et Il était une fois, en 1946, La femme du solitaire, et Lou cardil en 1947 L'anneau d'Alma (couronné Académie Française), en 1951, Mon ami Bob,en 1952, La ronde des lettres et Boucle d'or et pomme d'api, en 1953 Un cavalier Blanc, en 1955 Au bois joli, en 1957 L'École du printemps, en 1968 Un petit canard comme ça et Marguerite et les boutons d'or.
(2) En collaboration avec G. Cercié et aux éditions NPF toujours, Sauvestre publiera en 1955 « Au bois joli » L'illustration du manuel sera confiée à Raylambert. Ce même trio avait produit précédemment, chez le même éditeur, « L'anneau d'Alma » (1946) et recidivera avec « Pages de France » en 1949 notamment.