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Édition périgourdine : État des lieux.

ÉCRITS ET CHUCHOTEMENTS

                               Notre confrère « La Dordogne Libre » découvre, à l'approche des fêtes de fin d'année, que le département compte, rien qu'à Périgueux,  près d'une dizaine de maisons d'édition  « qui, chaque mois ou presque, présentent un nouveau livre » (1)

Étonné par ce phénomène et cette vitalité apparente la D.L s'est livré à une petite enquête journalistique  au fil de laquelle elle a pu recueillir les explications de certains acteurs de la filière.

            Pour Jacques Lagrange, ancien bras droit d'Yves Guéna et  fondateur des éditions Pilote 24, il n'y a pas à chercher midi à quatorze heures, si les Périgourdins portent toujours de l'intérêt au livre c'est qu'ils  sont « conservateurs » !           

L'ancien élu  municipal Gaulliste aurait pu, tout aussi bien, les qualifier de réactionnaires !

            En éditeur avisé, connaissant bien sa clientèle,  il lui propose des mets choisis, truffés d'églises et de châteaux, de marquis emperruqués, de résistants héroïques et de francs-maçons incontournables, voire même, dans un souci de ratisser large, d'artistes culinaires en sabots de croquants !

            La Lauze dont le rythme des parutions donne à penser qu'il s'agit d'une entreprise stakhanoviste, dispute, avec succès, au précédent ses auteurs comme sa thématique régionaliste… il lui arrive cependant de poser son regard ailleurs que sur son nombril. C'est ainsi que quelques lecteurs ont eu droit à un indispensable « Agent de développement local : émergence et consolidation d'un profil professionnel » et que dans la collection « Contre-enquête » l'ex commissaire Guy Penaud résout « L'Énigme Seznec » concluant préremptoirement à la culpabilité du scieur de Morlaix, avant sans doute, de s'interroger, un jour prochain sur l'innocence de Dreyfus !

            Mais c'est surtout avec toute une kyrielle de titres consacrés  à des chanteurs, compositeurs et rockers disparus que La lauze se démarque de ses confères. De Joséphine (Baker) à Génésis en passant par Georges (Brassens) et Léo (Ferré),  les bouquins destinés aux fans ne manquent pas. Ils ne risquent  pas de faire oublier les Seghers avec leurs couvertures et leurs illustrations signées de l'artiste « maison » José Corréa qui, répétitivement, donne,d'un livre l'autre,  du crayon !

            Avec parfois des résultats étonnants qui font songer au mariage de l'eau et du feu ou bien encore aux épousailles de la carpe et du lapin voire de la chèvre et du choux !

            Fanlac a mangé son pain blanc. L'entreprise, dirigée aujourd'hui par les époux Tardien, reste une institution… un monument historique classé serait-on tenté d'écrire ! Elle peine cependant à tenir son rang et rase les murs quand il s'agirait pour elle de continuer à occuper le haut du pavé !

            Fini les rentes de situation : Le Roy, dont leur meilleur de l'œuvre fut l'imagerie de Maurice Albe, est déchu ; tous sur la place se sont emparés de ses tragiques dépouilles et tentent de les faire fructifier. Gabriel Leymarie n'est plus là , heureusement, pour se mêler à ce combat de trop !

            Il reste aux héritiers de l'ami de Pierre Seghers l'espace poétique et littéraire et… pour faire bouillir la marmite les joint venture avec le CG24 pour la publication de monographies régionales.

            Le combat est incertain : La renarde ou les Fleurs de Mai de Ventadour auront-ils seulement rapporté un euro ? À combien d'exemplaires le récent bouquin de Randall Withe s'est-il vendu ? Les Tardien qui, à la disparition de Pierre Fanlac, ont repris courageusement le flambeau du Commandeur se laissent parfois aller à la déprime ! Un libraire défroqué  les comprend aisément !

« Mettre de l'encre sur du papier est aujourd'hui à la portée de tout le monde. » Pire, pisser de la copie l'est encore plus !

 « Ici, les gens écrivent plus qu'en Corrèze ou qu'en Haute-Vienne », assure leur confrère Jacques Lagrange. « Il y a toujours eu une culture entretenue par les causeries, les cercles, explique-t-il. Et il y a de nombreux sujets sur lesquels écrire en Dordogne. »

Hormis sans doute les sujets qui fâchent et qui pourraient ternir l'image de la féodalité vibrionnante des officines « savantes » et (ou) politiques du « Pays de l'homme ».

Bernard Tardien, l'an passé, interviewé à l'occasion de ce cyclique marronnier portant sur l'état de l'édition locale s'inquiétait surtout de l'érosion du lectorat !

Devenu, au fil du temps, marchand de livres exclusivement, Christian Brémard (Le Roc de Bourzac) semble avoir renoncé à son métier d'éditeur. Les malheureux acquéreurs de ses productions « n'en portent pas peine » qui devaient multiplier les efforts afin de recoller, perpétuellement, des pages éprises de liberté des bouquins qui sortaient de son atelier !

PLB du Bugue est dans le métier depuis 27 ans : il a près de soixante livres, plaquettes, brochures à son actif qui n'ont pas dû l'enrichir. Malgré quelques ratés mémorables, l'insipide texte d'Audrerie sur la vallée de la Dronne, massacré par une mise en pages et une illustration désastreuse est du nombre, on garde un agréable souvenir de la suite des « Découvertes » proposant de savantes descriptions de nombreux monuments civils, militaires ou religieux périgourdins. Pour autant leur coût prohibitif reste difficile à avaler ! Malheureusement, comme leur prix n'est pas imprimé en 4ème de couverture, leurs invendus subiront les mêmes hausses que celles qui affectent le pétrole, le gaz, les légumes et les céréales transgéniques  !

Fédérop est un  cas à part : comment cette maison continue-t-elle à tourner ? À première vue cela tient du miracle… mais peut-être cela relève-t-il seulement de l'exploit, voire du sacrifice !

Faut être sacrément gonflé pour sortir, en automne, l'époque des feuilles mortes, ce « Poids vivant de la parole » d'Armel Guerne où l'auteur s'interroge sur sa création « Même si la plupart de ceux qui en font ne s'en doutent guère, il en coûte beaucoup d'écrire un livre et c'est un acte grave. Une œuvre, dès qu'on ne la tient plus pour un feuillet dans l'effarante cataracte de papier imprimé qui s'abat chaque matin sur la France, on doit se demander quel est son acte sur la terre ; et non seulement de quel esprit elle procède, mais aussi et peut-être surtout, dans l'angoissante tragédie de nos jours, quels esprits et quels cœurs elle encourage et décourage. »

Faire bouillir la marmite en publiant de telles préoccupations, de tels questionnements est véritablement surréaliste en 2007 ! Chapeau l'artiste !

Pour en revenir à Jacques Lagrange de Pilote 24 (au sein de la grotte de Villars nous marchâmes souvent dans  ses traces 20 ans après lui et nous fûmes pareillement émerveillés par cet immense labyrinthe dépassant les 10 kilomètres aujourd'hui)  nous voudrions croire qu'une partie, au moins, des lecteurs des livres qu'il publie, s'avise que « Les temps sont trop tendus, où nous vivons si mal, et que l'essentiel y est trop manifestement en péril, si près de chavirer bientôt » !

Le naufrage de la république des Lettres  précédera de peu celui de la République !

Ch.C le 16 /12 / 2007 vers 19h  en ce jour de cette Alice dont j'espère ne pas être le seul à à me remémorer la sainteté !

 

L'ARPEL (Agence régionale pour le livre et l'écrit en Aquitaine http://arpel.aquitaine.fr/spip.php?page=departement&departement=24n'en recense pour sa part que 3 mais notre confrère imagine certainement que les hebdos publicitaires gratuits, comme les fanzines associatifs, participent du même genre à moins qu'il fasse une excusable confusion entre éditeurs ayant pignon sur rue dans la préfecture de la Dordogne et ceux de leurs homologues oeuvrant, ici ou là, en Dordogne ?



26/03/2008
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