Collection Automne-hiver (2006)
Collection automne-hiver
En France, sauf si on s'appelle Marc Lévy et qu'on pisse de la copie pour la ménagère de moins de 50 ans, version locale des desperate house wifes, on ne doit pas compter faire fortune en devenant écrivain. Pour espérer tirer quelques subsides de sa plume un auteur est contraint d'enchaîner livres sur livres comme le font, à Paris et en province, tant de noircisseurs de papier. Encore faut-il pour espérer une éphémère notoriété, sanctionnée par de médiocres revenus, choisir avec discernement les sujets porteurs comme les dates de parution. Plusieurs hommes de lettres du terroir, dont deux femmes, viennent opportunément, alors que le salon du livre de Brive et le salon du livre gourmand de Périgueux vont d'ici peu ouvrir leurs portes, de publier des ouvrages plus destinés à la vente qu'à la lecture.
Nul doute que celui de Chantal Tanet, qui, s'évadant de ses ascétiques travaux de lexicographe, vient de publier aux éditions Sud-Ouest « La truffe », trouvera sa juste place sur les éventaires ou dans les vitrines des maisons de la presse. Ixième livre sur cryptogame le préféré des périgourdins, la prose de la compagne de Tristan Hordé, dont le « Dictionnaire des mots de la table » paru en 2004 chez le même éditeur, en avait laissé beaucoup sur leur faim, devrait permettre à celle-ci de mettre un peu de beurre dans ses épinards littéraires.
Consacré au même sujet, décidément l'odeur d'humanité mal lavée que rappelle le fumet sui generis de tuber melanosporum inspire beaucoup de monde, le nouvel ouvrage d'Alain Bernard, célèbre localier amateur de bonne chère, évoque des anecdotes oubliées concernant le commerce du noir et odorant champignon au profit de la Russie vieux style, celle d'avant les soviets. Fait inhabituel en matière de production agroalimentaire, son titre, « Les truffes du Tsar » évite l'écueil d'une éventuelle tromperie sur la marchandise. Alain Bernard a puisé sa documentation aux meilleures sources ; celles que lui a fournies le thibérien Robert Cruège qui, depuis des lustres, a fait du foie d'oie et du diamant noir son ordinaire. Copédit espère faire ses choux gras de ce nouveau livre de l'auteur de « La cuisine préhistorique »
Suzanne Boireau-Tartarat qui a déjà plusieurs livres à son actif, vient tout juste de publier, aux éditions Déclics, filiale du Petit fûté, « La France de Suzanne ». Au fil de ce dernier texte l'auteur(e) brosse le portrait subjectif d'une quarantaine de sites qu'elle affectionne particulièrement, incluant, entre autres, dans son inventaire disparate, le marché de Périgueux où la boustifaille tient le haut du pavé.
Cela suffira-t-il pour justifier la présence du bouquin sur les étals des exposants du salon du livre gourmand ? Peut-être que oui puisqu'il a, dans ses pages, à boire et à manger.
Faisant preuve d'une habilité incontestable dans le choix des thèmes qu'il traite, Franc-maçonnerie, résistance, criminologie… l'ancien commissaire Guy Penaud explore méthodiquement l'histoire locale, contemporaine surtout. Ça lui a valu de nombreux succès qui l'ont mis en appétit et l'incitent à conquérir, hors Périgord, un plus large lectorat. Dans la foulée du « Triple crime du château d'Escoire » document paru en 2002 qui prétendait dissiper les mystères entourant la boucherie commise certainement par Henri Girard dit Georges Arnaud, le romancier du « Salaire de la peur », son récent Seznec témoigne, à l'évidence, de cette stratégie puisque l'affaire, bien au-delà de la Bretagne continue de défrayer la chronique nationale. Judicieusement La Lauze son éditeur périgourdin a sorti « L'énigme Seznec » alors que, début octobre, la cour de cassation s'apprêtait à examiner la requête en révision du procès de l'ancien scieur de Morlaix devenu, à la fleur de l'âge, bagnard à Cayenne. La décision finale imminente de cette juridiction devrait susciter, à la faveur des comptes-rendus médiatiques qui s'ensuivront, une nouvelle envolée des ventes.
Par malchance la TV s'est intéressée de trop près à Marie Besnard et à la fragile, en apparence, Christine Villemin. Voilà deux sujets porteurs « carbonisés » pour quelques années. Reste, heureusement, à traiter le trop fameux « suicide » du ministre Robert Boulin … mais s'aventurer sur les pistes mouvantes et les terrains fangeux de l'affairisme politique n'est pas sans risque ! Un émule d'Albert Londres, à défaut de récolter prix et honneurs récompensant une méticuleuse enquête, pourrait bien écoper, comme Pierre Bérégovoy ou le gendarme Christian Jambert… d'une volée de plombs dans la tête !
Selon le sémillant Pascal Serre, le rédac'chef au nœud pap du Journal du Périgord, le dernier ouvrage de Gilles Delluc, « Le sexe au temps des Cro-Magnons » ne saurait être qualifié de « racoleur ». Difficile en effet d'afficher le moindre désaccord avec ce pertinent jugement. Le livre, publié par les éditions Pilote 24 qui, avec cette ultime livraison, se signalent, une fois de plus par l'indigence iconographique d'une production pléthorique, n'est pas, c'est le moins qu'on puisse dire, destiné aux érotomanes . Si la mariée est trop belle, tant le savoir de l'auteur s'avère encyclopédique, elle n'en reste pas moins peu excitante puisque, au lieu de nous parler d'amour charnel, elle expose essentiellement, au fil de centaines de pages, ses problèmes génétiques, génitaux, médicaux, domestiques… voire culturels, en un long et rasoir déballage savant qui pousse à recommander, en priorité, la consultation de ce manuel new style aux amateurs de préhistoire stricto sensu . En effet, le livre qui ne coûte que 23 € remplace avantageusement tous les écrits précédents sur les conditions d'existence, les cultures matérielles et spirituelles de nos ancêtres du paléolithique supérieur. Le lecteur lambda, en revanche, ne frémira pas à l'évocation des émois ressentis par de jolies magdaléniennes pour d'athlétiques chasseurs eux mêmes troublés par la vision de quelque vénus dont les standards plastiques leur paraissaient affriolants !
Noël approche à grands pas ; nul doute que dans les jours et semaines à venir bien d'autres titres fraîchement sortis des presses se disputeront les meilleures places dans les vitrines des rares, mais encore trop nombreux, libraires qui subsistent au pays de Montaigne en raison du peu d'intérêt que suscite leur profession (sacerdoce ?).
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