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Cher Eugène (Le Roy)

Cher Eugène :   Voilà pratiquement un siècle que tu as disparu … mais si, chez nos contemporains, ton nom, Le Roy, (1) n'évoque plus grand-chose, ta créature, en revanche, t'a survécu. Avec presque le même bonheur que le Frankenstein de Mary Shelley.

 

                                         

Avec une diabolique prescience tu as su faire émerger, de la foule des humbles personnages romanesques qui hantent les pages de tes sagas périgourdines, ce Jacquou, surnommé le croquant. Le drôle, un teigneux qui précède la venue les Poujade, Nicoud et autre Poucet, l'ancien leader du CDCA, conserve toujours la faveur des éditeurs et des cinéastes. Archétype du révolté franchouillard, prompt, sous l'emprise du coup de sang, à faire le coup de poing contre les puissants dont il aspire à partager l'aisance, ce héros-là est cependant dépourvu de clairvoyance, et encore plus, d'intelligence, politique. Sans cela il aurait pu annoncer les Déat ou les Doriot.

             Ardents prosélytes républicains, les Nogaret, tes meuniers du moulin du Frau, sont eux de l'espèce de ces « partageux » qui aspirent, et c'est bien naturel, à empoigner le manche du bon côté. Aujourd'hui, les minotiers que tu campes dans tes livres seraient clients ou protégés de la gauche caviar ultra libérale. Celle dont le credo est « Enrichissez-vous » et qui leur permettrait, sous conditions, de faire fructifier leur petit bien en récompense de services rendus pour le triomphe de la cause. L'Administration du Conseil général est remplie de ces obligés.

            Dommage, cher Eugène, que tu sois né si tôt ! À 40 ans près tu aurais pu trouver à t'employer, comme tes successeurs les Frères Tharaud, les Pesquidoux, Pourrat, Benjamin... et même, en raclant les fonds de tiroirs des écrivains inspirés par la sainte Sainte-Trinité Travail, famille, patrie, ton compatriote le poète Albert Pestour, au service de la propagande de l'État français. Toute ton œuvre d'écrivain rustique social le suggère.

            Tu aurais pu épouser sans trop de difficulté les idéaux du Maréchal toi, le colonialiste sans repentir, le raciste sans état d'âme, l'anticlérical opportuniste grenouillant avec aisance, pour mieux tirer son épingle du jeu, dans les milieux sectaires de la Franc-maçonnerie de la fin du XIXe siècle et l'antisémite en charentaises qui se sera délecté, sûrement, des diatribes de Drumont sans oser, cependant, s'engager dans le parti des antidreyfusards. 

            Et c'est pour le coup qu'on aurait eu quelques raisons de se souvenir de toi, car, les récits que tu nous as légués relèvent plus de la documentation ethnographique, traitée à la manière de l'imagerie d'Épinal façon veillées des chaumières, que de l'œuvre littéraire. N'est pas Flaubert ou Zola qui veut !

            Reste que dans ta petite patrie un aréopage de gens de plumes qui ne sont pas pour autant des  « épées » vénère toujours ta mémoire. Elle participe de son fonds de commerce et lui sert de prétexte à publier et éditer articles, thèses, ouvrages savants et distingués. Ces gens-là, gens de soutane ou d'appareil, gens de pouvoir ou de flatulence médiatique et surtout gens « logés », vraisemblablement, à la même enseigne que toi, cher Eugène, se distribuent et s'attribuent des prix, comme à la communale. Cette année cet institut qui porte ton nom casse sa cagnotte et accorde 8 000€ à six d'entre eux célébrant, à ta suite, les cultures nombrilistes.

            Moins persuadés de ton talent, les rédacteurs du petit Larousse ne t'ont toujours pas fait la moindre place dans les colonnes de leur dico. On t'y recherche en vain entre le zoologiste André-Max Leroy et l'horloger Julien Le Roy.  Te voilà bien marri, mon cher Eugène, de n'avoir déjà pu gravir les marches de ce temple de la culture populaire, toi qui croyais en être, tout à la fois, le chantre et le héraut.

         Le pire, vois-tu c'est que Marc Lévy, dont les bluettes sentimentales déchaînent les passions chez les anciennes lectrices ménopausées de Barbara Cartland, y figurera certainement bien avant toi.

            De quoi vous gâcher un repos éternel bien mérité !

 

(1)     Patronyme paradoxal pour un inlassable pourfendeur d'une noblesse dont il regrette de ne pas faire partie,

 

Eugène Le Roy … Bonjour les dégâts ! : Friand de cette actualité qui participe de sa mission d'informer, le quotidien Sud-Ouest annonce dans son édition du 23/3/2006 la naissance d'une nouvelle loge maçonnique à Périgueux. Cette association résultant d'un essaimage d'une faction locale du Grand Orient de France compterait une trentaine de membres (groupement sectaire oblige, on ne parle pas ici d'adhérents) et porterait le nom d'Eugène le Roy , l'écrivain périgourdin dont le département de la Dordogne s'apprête à célébrer, l'an prochain, le centenaire de la mort.

                             Nul doute que sous un tel patronage les frères trois points vont faire des étincelles ! L'auteur de Jacquou le croquant, lui-même franc-maçon, chantre d'une ruralité politiquement, sociologiquement et moralement pré-pétainiste, s'est, en effet, singularisé à maintes reprises par ses diatribes racistes et antisémites.  Ses tirades sur les rastaquouères et ses insultes visant les Africains aux lèvres grosses comme des bords de pot de chambre gangrènent, en effet, certaines pages de L'année rustique en Périgord et de sa Bluette bovaryste Mademoiselle de la Ralphie ;

                             Le MRAP et la Ligue des droits de l'homme devraient faire l'éducation des petits frères !

 

En v.o: Pierre-Lucien Bertrand ne  perd pas le nord ! Parce qu'en 2007 la célébration du centenaire de la mort d'Eugène Le Roy dopera, à coup sûr, la vente des livres du romancier périgourdin l'éditeur du Bugue inscrit, après bien d'autres, ceux-ci à son catalogue. Le moulin du Frau  est le premier ouvrage de la collection. Le lecteur le découvrira en version originale, celle de sa parution, sous la forme d'un feuilleton, dans les colonnes du journal L'Avenir de la Dordogne en 1891.Trois ans plus tard, la première mouture librairie, adoptée lors des multiples rééditions successives, sera, amputée par l'auteur lui-même, d'une cinquantaine de pages truffées de passages en occitan. Avec cette restitution des textes éliminés PLB réalise un coup de maître qui ravira les bibliophiles et les zélateurs du barbu de Montignac sur Vézère !  Une question se pose cependant ; retrouvera-t-on dans les autres titres de la série ces petites remarques assassines distillées sans fausse honte, au fil des chapitres,  par le républicain franc'mac et le colonialiste sans repentir, vaguement antisémite et xénophobe par ailleurs … et qui lui vaudraient aujourd'hui des déboires judiciaires ?  Dans l'année rustique en Périgord  Le Roy n'hésite pas, en effet, à vilipender « la tribu des Rothschild » ainsi que « les odieux et les rastaquouères » tandis que dans Mademoiselle de la Ralphie, roman que PLB compte sortir prochainement, il trace un portrait édifiant des africains qui sont « des hommes tout noirs… avec des cheveux comme de la laine, de grosses lèvres comme des bords de pot de chambre. »   Chantre des valeurs morales réactionnaires de la ruralité, l'auteur de Jacquou le croquant  aurait pu être un ardent propagandiste des idéaux de la France Maréchaliste et de son idéologie d'exclusion.

 

 



16/12/2006
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